Liberté d'expression : une nouvelle décision sur les violences sexistes !
La Cour de Cassation s'est une nouvelle fois prononcée sur un licenciement pour faute grave d'un salarié motivé par ses plaisanteries sexistes. Maître Claire ROY vous avait déjà raconté les dernières décisions de la Cour de Cassation sur les licenciements intervenus suite à des propos tenus sur les réseaux sociaux. Celle-ci est un peu la suite, et questionne la liberté d'expression et les violences sexistes.
Quels étaient les faits ?
Il s'agit d'un humoriste licencié pour avoir fait une blague douteuse en direct sur une chaîne concurrente à celle dont il était salarié, qui l'avait invité pour promouvoir son spectacle.
La blague était la suivante : « Comme c’est un sujet super sensible, je la tente : les gars, vous savez c’qu’on dit à une femme qu’a déjà les deux yeux au beurre noir ? – Elle est terrible celle-là ! – On lui dit plus rien, on vient déjà d’lui expliquer deux fois ! »
Evidemment, ces propos ont suscité de fortes réactions dans les médias et sur les réseaux en général.
Visiblement fier de la médiatisation, le salarié relance la blague sur le plateau de l’émission qu’il anime.
La chaîne dont il est salarié le met alors à pied à titre conservatoire, et son contrat sera ensuite rompu pour faute grave.
Il a contesté son licenciement devant le conseil des prud’hommes qui a rejeté ses demandes. Idem devant la cour d’appel.
L'humoriste a donc choisi la voie du pourvoi en cassation, considérant qu’il n’avait pas abusé de sa liberté d’expression en formulant "un trait d’humour provocant".
Quelle est la nouveauté dans le positionnement de la Cour de Cassation vis-à-vis de la liberté d'expression ?
La Cour rappelle classiquement le point de départ de son raisonnement selon lequel une rupture du contrat motivée par les propos tenus par un salarié constitue une atteinte de l’employeur dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression.
La Cour rappelle ensuite que les juges du fond doivent ensuite vérifier si cette atteinte était nécessaire « dans une société démocratique », étant rappelé que les propos en question étaient tenus par un humoriste.
Elle précise alors trois critères cumulatifs :
- la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi ;
- son adéquation ;
- son caractère proportionné à cet objectif.
Elle a ensuite validé le raisonnement tenu par les juges du fond qui avaient, à juste titre, tenu compte du contexte politique, des dispositions contractuelles, du comportement du salarié postérieurement à ses propos, et du contexte dans lequel évoluait la société employeur.
La nouveauté dans le raisonnement est que la Cour de cassation se fondait précédemment notamment sur l’existence de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs pour qualifier l’abus de la liberté d'expression. Cette fois-ci, l'abus est entendu plus largement, à la fois par la violence sexiste des propos tenus par le salarié, mais aussi par les différents éléments de contexte.
Quels réflexes adopter lorsque vous êtes confrontés à une question relevant de la liberté d'expression ?
Les décisions validant les ruptures de contrat de travail rendues dans le cadre d'affaires où le/la salarié-e se conteste la sanction, considérant qu'elle porte atteinte à la liberté d'expression se multiplient.
Celle-ci est particulièrement intéressante, car elle s'appuie sur un contexte particulier, les propos en cause relevant de violences sexistes, et ayant été prononcés, et renouvelés par un humoriste sur un plateau télé.
A noter également que le contrat de travail du salarié, évoqué à l'appui de la sanction, l'obligeait de respecter une charte rappelant le principe de respect des droits de la personne...
La motivation de la Cour de Cassation est à retenir, et pourra certainement venir fonder nombre de sanctions disciplinaires.
Être bien conseillé, c'est fondamental !
Sanctionner un-e salarié-e pour des propos litigieux peut s'avérer périlleux rendant pertinente l'intervention d'un avocat. Nous vous invitons par conséquent à contacter le cabinet pour que nous puissions vous assister dans la stratégie à mettre en œuvre, et dans la rédaction de courriers de sanction éventuels.
En amont, pour certains type de fonctions en lien avec le public, des clauses éventuelles rappelant l'obligation de respect des droits de la personne peut également être utile.
Vous êtes salarié et avez été sanctionné en raison de propos que vous avez tenus, et vous estimez que cette sanction est disproportionnée ? Vous pouvez également solliciter une consultation afin d'obtenir un avis sur le bienfondé de la mesure, et sur vos chances de succès en cas de contestation.